Pays de contradictions et d'ambivalences, le Kenya, logé sur le vieux socle africain, affecté par de forts mouvements tectoniques accompagnés d'un volcanisme intense, offre à l'étranger l'image d'un laboratoire de mutations sociales implanté dans un site magnifique. Pour ce pays doté d'un faible potentiel économique, qui ne réside que dans les Hautes-Terres et un peu sur la côte, et dépourvu de ressources minérales, la richesse ne repose que sur l'agriculture, où coexiste un secteur moderne et un secteur traditionnel, et le tourisme. L'implantation britannique qui a débuté il y a juste un siècle, en 1883-1884, avec le premier voyage européen de Monbasa au lac Victoria, a favorisé l'arrivée d'une population européenne relativement nombreuse faisant du Kenya le « pays de l'homme blanc ». Mais, dans les années 20, le nationalisme africain se renforce. Dès 1928, apparaît sur la scène politique un ancien employé de la mairie de Nairobi, le futur Jomo Kenyatta, qui dominera la vie politique du pays jusqu'à sa mort en août 1978.
Les auteurs retracent cette marche historique vers l'émancipation, ponctuée par l'épisode sanglant de la révolte Mau-Mau (1952-1954) qui provoque un peu plus de 13 000 victimes. Depuis son indépendance, proclamée en décembre 1963, le Kenya a été marqué par la stabilité et une prospérité relative. La trilogie du « nyaoisme » (du swahili nyayo : trace, pas) de la paix, de l'amour et de l'unité, chère au père de la nation kenyane, a été reprise par son successeur Daniel Arap Moi. Le pays s'est progressivement ouvert sur l'extérieur. Cependant, l'alerte de l'été 1980 (tentative de soulèvement de l'armée de l'air) marque les limites du consensus social qui s'est effrité du fait de l'exacerbation des difficultés économiques. Vingt ans après l'indépendance, concluent Denis et Marie-Christine Martin, le « Kenya est encore à la recherche de sa personnalité ». |