JACQUES ELLUL (1912-1994) est plus connu aux États-Unis qu'en France. Au début des années soixante, enthousiasmé, Aldous Huxley fit traduire et publier avec succès son maître-livre La technique ou l'enjeu du siècle, depuis élevé au rang de classique étudié à l'université. Aujourd'hui, la plupart de ses livres sont introuvables en librairie, même si le mouvement écologique, dont il fut un des précurseurs, lui doit beaucoup ; ainsi est-il le maître à penser de José Bové.
Cet homme libre, à l'écart de toutes les chapelles, à la fois libertaire et croyant, solitaire et engagé dans son siècle, avait tout prévu, ou presque. Des crises comme celle de la vache folle, et notre brusque désarroi devant notre assiette ? Il les avait prévues. La très désagréable impression, dans ce domaine comme dans d'autres (OGM, réchauffement climatique, déchets nucléaires, pesticides, amiante, air pollué, antennes-relais, sites Seveso, etc.), d'être confrontés à des choix qui nous dépassent infiniment, et d'aller vers un monde de plus en plus incertain, risqué, aliénant ? Il l'avait prévue. La ferme volonté des scientifiques de fabriquer, par le clonage et les manipulations génétiques, non seulement des plantes et des animaux " améliorés ", mais un homme supérieur, un surhomme ? Il l'avait prévue.
Non seulement il avait prévu ces phénomènes, mais il les avait pensés, analysés, jaugés tout au long d'une œuvre aussi féconde que torrentielle (près de cinquante ouvrages). Persuadé que la technique mène le monde (bien plus que la politique et l'économique), il a passé sa vie à analyser les mutations qu'elle provoque dans nos sociétés, et son emprise totalitaire sur nos vies. Dans cet ouvrage, Jean-Luc Porquet expose vingt idées fortes d'Ellul, et les illustre par des sujets d'actualité. On verra qu'à l'heure où le mouvement critique contre la mondialisation cherche des clefs pour comprendre et, agir, cette pensée radicale, généreuse et vivifiante a des chances de s'imposer comme une référence indispensable. |