A bien y réfléchir, nous nous heurtons partout aux limites. Leurs natures et leurs sources sont certes très diverses. Mais une constante subsiste : nos désirs de toute-puissance, d'ubiquité et d'éternisation seront nécessairement frustrés. La sagesse des limites consiste non pas à vouloir, follement, abolier ces dernières ni à les accepter telles quelles comme un destin inéluctable.
Certaines limites sont d'ordre matériel : elles existent effectivement, la preuve de leur présence découle de la douleur du choc, de l'impact ressenti. D'autres sont plus immatérielles, impalpables, en tout cas invisibles : mais leur Loi, mystérieuse, ne s'en impose pas moins drastiquement aux hommes. Les limites naturelles sont celles de la condition humaine : elles relèvent de notre finitude et nous rappelleraient, quand bien même nous serions tentés par la démesure, notre fragilité et notre peu de réalité. D'autres limites sont également matérielles, mais leur source relève cette fois de l'humain : ce sont les hommes et les sociétés qui les ont établies. Cette origine les rend plus fragiles que les limites naturelles : créées par les hommes, elles peuvent être plus aisément détruites par eux, alors que les bornes naturelles relèvent de la condition humaine plus ou moins modifiée par la science et les techniques.
Cet essai vise à montrer les ambiguïtés et les paradoxes de l'idéal contemporain de liberté. Sommes-nous tellement sûrs de vouloir la liberté ? Peut-on l'aimer, c'est-à-dire vouloir en payer le prix ?