La table fut mise et des braseros disposés aux quatre coins de la pièce. Le soleil illuminant les fenêtres, la chambre était de la plus grande clarté. Bientôt les petites servantes apportaient la boisson et les plats. La vaisselle et les coupes s'alignaient, les mets fins s'amoncelaient. Le vin jetait des reflets d'or, le thé s'infusait dans des vases de jade. En jupe brodée et veste de brocart, découvrant des dents éclatantes, la femme tendait une coupe de ses mains de jade, révélant ses intentions à son regard comme voilé par les eaux d'automne. Ils bavardaient et riaient en jouant à la mourre et aux osselets, échauffant le printemps de leur passion, lourd de désirs longuement mûris. Ils continuèrent à boire longtemps, jusqu'au coucher du soleil, le regard pervers, le cœur chaviré. Puis on apporta les chandeliers d'argent. Envahis par l'ivresse, ils pénétrèrent tous deux dans la chambre intérieure, écartant les rideaux et fermant les fenêtres. La servante moucha discrètement les chandelles, tandis que la belle se hâtait de fermer les vantaux pourpres. " Jin Ping Mei est l'un des plus célèbres romans classiques chinois du XVIe siècle. Il conte les mille aventures licencieuses de héros pittoresques et constitue un document très vivant sur les mœurs de la société de cette époque.