La vie n'est qu'une ombre ambulante, un pauvre comédien, oui. Personne n'était mieux placé pour le savoir que toi, Romain Gary, fils d'une comédienne pauvre. Et quant à struts and frets (merveille shakespearienne de condensation allitérative !), tu as fait les deux, tu étais passé maître de ces deux activités humaines par excellence, aussi dérisoires qu'inévitables : to strut, se pavaner, rouler les mécaniques, marcher avec orgueil; to fret, se faire des soucis, ronger son frein, se tracasser - un pauvre comédien, donc, qui se pavane et se tracasse une heure sur la scène et puis qu'on n'entend plus... NON !NON ! NE ME DITES PAS CELA ! je t'entends hurler d'ici. Voilà près de deux ans maintenant que j'arpente dans tous les sens ton œuvre et m'interroge sur ta vie. Tu as vraiment énormément écrit, Romain. Trente-deux livres. Quelque chose comme dix mille pages. (...) Et à mon sens, plutôt que tel ou tel volume sur cette étagère que tu as bel et bien remplie, c'est justement l'ensemble qui constitue ton chef-d'œuvre. (Extrait) |